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À Toulouse, on regarde vers l’espace de demain
La Cité de l’espace de Toulouse permet de découvrir la conquête spatiale de façon ludique. Mais aussi de prendre conscience que l’aventure est loin d’être finie.
Deux jeunes femmes s’engouffrent les pieds en avant dans la capsule Soyouz qui, il y a quelques années, a permis à Thomas Pesquet (S 2001) de rejoindre la station spatiale internationale ISS. À côté du mannequin symbolisant l’astronaute français, elles tentent d’imaginer, dans les deux fauteuils étriqués, ce que peuvent ressentir les aventuriers de l’espace quand ils sont propulsés vers les cieux.
Un peu plus loin, dans le jardin de la Cité de l’espace de Toulouse, à l’ombre des 53 m d’une maquette de la fusée Ariane 5, des enfants galopent pour être les premiers à pénétrer dans la réplique de la station Mir.
Mais le parcours sur 4 000 m2 d’exposition que font près de 400 000 visiteurs chaque année, est loin d’être uniquement tourné vers le passé. C’est évident sur la moquette qui reproduit le sol lunaire dans l’exposition temporaire consacrée au satellite de la Terre.
Des Américains sur la Lune en 2024 ?
Ici, on teste la gravité lunaire, on détecte l’odeur de la poussière sélénite et on voit l’intérieur du Lem, le véhicule spatial qui a aluni il y a cinquante ans. Surtout, on visite les modules qui pourraient constituer la prochaine base lunaire et on découvre le projet de nouvelle station spatiale internationale, la Gateway, pour remplacer l’ISS en orbite autour de la Lune.
Le futur de la conquête spatiale est encore plus présent en cette journée de projection spéciale du film Proxima (lire ci-contre) dans la salle de la Cité. Pour l’occasion, de nombreux astronautes et spécialistes français de l’espace sont présents à Toulouse. Pour eux, l’aventure spatiale ne s’est jamais arrêtée.
« Si on a l’impression d’un regain d’intérêt, c’est à cause des dernières annonces du Président américain », résume Jean-François Clervoy (X 1978- S 1983) astronaute français avec trois missions spatiales au compteur. En effet, après un coup d’arrêt de Barack Obama, Donald Trump affirme vouloir envoyer de nouveau sur la Lune des Américains dès 2024. Un coup d’accélérateur sur fond de concurrence avec les Chinois.
« Il y a de l’eau sur la Lune »
Obama avait arrêté le projet de base lunaire et d’atterrisseur sur la Lune, mais pas celui de la fusée lanceur, reprend le spationaute. Dans deux ou trois ans, on peut l’avoir.
Elle est presque prête. Ainsi que la capsule Orion destinée aux voyages interplanétaires. C’est normalement celle qui enverra les premiers humains vers Mars. Et sur la Lune d’ici là. Mais l’atterrisseur, personne n’a commencé. La Nasa vient de lancer un appel d’offres. Je suis très pessimiste sur la date de 2024, mais la volonté américaine est là. Comme celle de ses partenaires, notamment européens.
L’étape suivante pourrait être la base lunaire permanente. Ce qui implique d’utiliser au mieux les ressources lunaires. Il y a de l’eau sur la Lune. Et l’eau c’est la source de la vie.
On peut en faire de l’oxygène pour respirer et on peut cultiver. Il faudra aussi recycler encore mieux que sur l’ISS (la station spatiale internationale). « Pour l’instant on y recycle l’urine en eau potable. On l’électrolyse pour obtenir de l’oxygène pour respirer. Et l’hydrogène, on le recombine avec le gaz carbonique de l’expiration pour fabriquer l’eau potable. On essaie aussi actuellement des systèmes de recyclages des déchets solides. Un projet permet déjà de nourrir des rats à partir d’excréments humains recyclés. Ça marche plus ou moins bien. »
C’est pour quand les hommes sur Mars ?
« L’espace est un lieu de compétition mais aussi de coopération internationale. Un outil diplomatique extraordinaire, explique, de son côté, Claudie Haigneré, seule femme française à avoir testé deux fois les vertiges de l’espace. Mais désormais, il faut aussi tenir compte des nouveaux acteurs privés. Qui sont SpaceX, d’Elon Musk, Blue Origin, de Jeff Bezos ou Virgin Galactic, de Richard Branson.
Pour que tout cela avance correctement, ajoute la spationaute et ancienne ministre, il faut que l’aventure soit partagée par tous, les politiques, les chefs d’entreprise et le grand public. D’où l’importance aussi d’incarner cette aventure. C’est le travail de Thomas Pesquet ou, désormais, de l’Italienne Samantha Cristoforetti, de l’Allemand Alexander Gerst ou de l’Italien Luca Parmitano.
En attendant que ces héros terriens installent leur village lunaire et que leurs successeurs prennent la route de Mars, les robots sont à l’œuvre. Ils explorent le système solaire, déchiffrent le terrain et préparent l’arrivée de l’homme, résume l’astrophysicien et planétologue Sylvestre Maurice (S 1990). Et pas qu’un peu.
Outre les machines qui s’intéressent à la Lune, il y a huit engins à travailler à la découverte de Mars, rappelle-t-il. Six sont en orbite. Trois Américains, deux Européens et un Indien. Et deux roulent à la surface.
Et c’est pour quand des hommes sur Mars ? En croisant un groupe d’enfants en visite à la Cité de l’espace de Toulouse, Claudie Haigneré donne une piste : Vous avez quel âge ? Huit ans ? Très bien. Dans 25 ans, vous aurez l’âge parfait pour aller sur Mars ! Les enfants en rêvent déjà.
Jean-François Clervoy, de passage à Toulouse pour la projection du film Proxima. Ici devant une réplique d’Ariane 5 et du Lem d’Apollo 11. | JOËL LE GALL, OUEST-FRANCE
Ouest France de Gilles KERDREUX du 29/11/2019
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